La politique arabe

Y-a-t-il une politique arabe du Maroc comme on pourrait parler dorénavant d'une politique africaine du Royaume ?La participation inédite de SM le Roi Mohammed VI au premier sommet Maroc/ pays du conseil de coopération du Golfe (CCG) donne à cette interrogation toute son actualité et sa pertinence. Malgré sa situation géographiquement éloignée de l'épicentre des crises arabes que sont la Palestine, la Syrie et l'Irak, la diplomatie marocaine a toujours effectué des choix cohérents avec son engagement arabe traditionnel ou conjoncturel.

A l'égard de la Palestine par exemple le souverain marocain préside le prestigieux "comité Al Qods" qui devient en temps de crise la seule structure de référence pour défendre le destin d'une ville symbolique et ses lieux saints pour l'ensemble du monde musulman. 

Longtemps terre des rencontres et des sommets arabes, Le Maroc a eu l'occasion ces dernières années d'imprimer sa marque et son approche. Le tourbillon de ce qui est communément appelé "les printemps arabes" a créé une nouvelle équation dans laquelle la diplomatie marocaine a su déployer une grande influence qui lui a permis de consolider son influence chez ses amis traditionnels et acquérir une nouvelle "soft power" indispensable à la conquête de nouveaux territoires et de nouveau marchés. 

Deux crise arabes illustrent bien la stratégie d'influence marocaine. La première est la crise yéménite. Quand son allié de toujours, le Royaume d'Arabie Saoudite a pris la décision ferme de contenir l'influence iranienne dans ce pays et de restaurer la légitimité du gouvernement yéménite visé par la subversion chiite, le Maroc a montré une solidarité politique et militaire sans faille avec ce tournant saoudien. D'autant que ses relations avec la république islamique d'Iran étaient depuis des décennies sur le fil du rasoir à cause justement des ambitions idéologiques de Téhéran qui cherchait à globaliser son influence. Le Maroc s'est inscrit sans faille auprès de ses amis du CCG dans leur volonté d'arrêter les appétits politiques grandissants du grand concurrent iranien dont l'activisme a été encouragé par la levée des sanctions internationales suite à la signature de du fameux accord sur le nucléaire iranien. 

D'ailleurs à cette occasion, le Maroc a marqué un point important en soutenant l'Arabie saoudite dans sa volonté de lutter contre les faux nez de l'influence iranienne dans la région comme le Hezbollah. Tandis que la diplomatie algérienne a commis le faux pas d'afficher sa sympathie avec un axe jugé diabolique par Ryad et qui menace de déstabiliser l'ensemble de la région. 

La seconde crise qui illustre les multiples palettes de la diplomatie marocaine est la crise libyenne. La petite ville balnéaire de Skhirat, dans la banlieue de Rabat, est devenue célèbre dans le monde entier pour avoir couvé d'éreintantes tractations entre les protagonistes Libyens. Un précieux travail qui a abouti la formation d'un gouvernement d'union national dirigé par M.Fayez El Sarraj sur lequel l'ensemble de la communauté internationale parie pour stabiliser le pays et éradiquer l'organisation de l'Etat Islamique comme en témoignent les récentes visites des ministres des affaires étrangères français, allemand et britannique. 

Sur la crise syrienne, après avoir un temps épousé l'approche de la communauté internationale de préparer une alternative au régime de Bachar El Assad en accueillant à Marrakech une importante réunion de l'opposition syrienne, la diplomatie marocaine avait adapté son approche aux désidératas du niveau réalisme international impulsé par l'activisme russe sur la question et qui prévoit la nécessité d'une période transitoire négociée pour éviter les ruptures. 

Ces prises de positions ont valu au Maroc un énorme succès d'estime. Même sa décision à la fois courageuse et réaliste de ne pas abriter le prochain sommet arabe a été favorablement accueillie par l'ensemble des acteurs de cette région. Il faut dire que les arguments mis en valeur pour la justifier ne manquent pas de pertinence. Le fameux communiqué de ce refus avait tenu à rappeler cette réalité :" Au regard des défis auxquels fait face le monde arabe aujourd'hui, le sommet arabe ne peut être une fin en soi ou devenir une simple réunion de circonstance. Les conditions objectives pour garantir le succès d'un sommet arabe, à même de prendre des décisions à la hauteur de la situation et des aspirations des peuples arabes, ne sont pas réunies". Et d'enfoncer le clou en exprimant ses craintes de risquer de donner "une fausse impression d'unité et de solidarité (...) dans un monde arabe qui traverse une période difficile". 

Par ailleurs, le communiqué marocain qui annonce la participation de Mohammed VI au premier sommet Maroc/CCG, prévu le 20 avril, souligne que cette rencontre sera l'occasion pour les deux parties "d'approfondir la concertation et la coordination des positions pour faire face aux défis et menaces qui guettent la région arabe". Même si ce sommet est une première, la relation institutionnelle entre le Maroc et le CCG avait connu un tournant en 2011 lorsque cette agglomération des pays du Golfe, riche, influente et fermée avait lancé une invitation au royaume du Maroc pour y adhérer. Il est certain que les enjeux politiques, économiques, stratégiques de cette invitation domineront largement la tournée royale dans cette région. 

Par Mustapha Tossa 

Source : Atlasinfo  / http://www.atlasinfo.fr