MRE

L’exercice des droits civiques est un principe intangible en démocratie. C’est un élément constitutif de la liberté et de la dignité humaine. Il ne peut-être restreint ou exclusif, réservé à une catégorie de personnes à l’exclusion des autres, sous peine de porter préjudice à l’idée même de démocratie. Priver, sans raison valable, une seule personne, fusse un « salafiste » controversé, de cet exercice est une infamie.

En priver arbitrairement prés de cinq millions de marocains installés à l’étranger, c’est une ignominie.

L’arroseur arrosé

La campagne électorale pour les législatives marocaines du 7 octobre 2016 est rentrée dans sa ligne droite. Comme ces devancières, elle est fade et cacophonique, terriblement allergique aux programmes ambitieux qui ouvrent au pays des perspectives ambitieuses et donnent à son peuple de l’espérance (emploi, éducation, accès à la santé, égalité économique et sociale, liberté d’expression et d’entreprendre…). La tactique électoraliste a pris le pas sur tout. Changer de casaque politique ou d’écurie partisane, renier ses principes idéologiques, voire s’allier avec « le diable », ou racler le fond des marécages pour rattraper des « alligators », constituent l’unique plateforme politique et électorale proposée aujourd’hui aux marocains.

a-la-une-158Pour couronner le tout, le débat s’est focalisé sur le cas d’un « salafiste » contesté, parrainé par le parti majoritaire sortant mais empêché de concourir par une décision administrative. Ce cas, qui n’est pas unique (d’autres « salafistes » se bousculent au portillon des élections), devint brusquement emblématique et l’Affaire, à l’aune de laquelle se mesurent le respect des droits de l’individu, la neutralité de l’Etat et la crédibilité du jeu démocratique.

Ces débats biaisés et cette manière d’appréhender une échéance électorale importante sont symptomatiques du degré de responsabilité et de conception de l’intérêt général des acteurs politiques en compétition. Ils donnent aux citoyens marocains de l’urticaire et contribuent à les éloigner un peu plus des bureaux de vote. Ils discréditent la politique et ternissent un peu plus l’image du politique. Ils agissent comme des écrans de fumée dressés pour cacher toutes les insuffisances de la législature 2011-2016 qui s’achève et couvrir les dérives et la pauvreté morale et programmatique de la campagne électorale 2016.

A force de jouer au plus fin et pousser le vice politique à son degré d’immoralité et de bassesse le plus bas, les animateurs de ces stratégies électoralistes et populistes risquent de l’apprendre à leur dépend le soir du 7 octobre. Le proverbe « tel est pris qui croyait prendre » n’est pas fait que pour les incrédules !

L’indignation sélective

Beaucoup d’encre a coulé ces derniers temps pour justifier ou dénoncer la conduite de deux religieux impliqués dans une affaire de mœurs. De même, des voix se sont levées, au nom du respect du code électoral et de la neutralité de l’Etat, pour condamner l’interdiction faite au prédicateur religieux d’être candidat aux législatives du 7 octobre à Marrakech. Mais, ce qui frappe et déconcerte en même temps, c’est de voir ces mêmes plumes terrées au fond de leur plumier et ces voix perdre leur latin, lorsque la décision d’exclure, de cette même échéance, près de cinq millions de MRE fut prise. Ce qui interpelle c’est de constater à quel point ces donneurs de leçons, sur la démocratie et l’égalité de tous devant la citoyenneté et la marocanité, qui s’agitent aujourd’hui, se sont faits petits dans cette affaire d’exclusion des MRE, alors que tous les ingrédients du déni de droit s’y trouvent réunis. Visiblement, ce dont le prédicateur « salafiste » a bénéficié, comme soutien politique et idéologique et comme couverture médiatique, les MRE ne l’ont pas. Visiblement, il est plus facile de s’attaquer aux MRE qu’à un prédicateur religieux. Visiblement, ceux qui s’acharnent depuis 2005, à priver les MRE de leurs droits constitutionnels fondamentaux sont intouchables.

Si, par conséquent, cette impunité inquiète au regard de ses motifs inavoués, cette pratique de l’indignation sélective, qui ne fait pas honneur à ses partisans, interpelle.

Comment peut-on se permettre de susciter une agitation politique dans le pays à cause d’un prédicateur et se taire lorsque les droits civiques de près de 5 millions de MRE sont bafoués ?

A quel saint les MRE doivent-ils se vouer pour dénoncer cette impunité et ce traitement différencié et réclamer justice et réparation ?

Dr Mohammed MRAIZIKA (Chercheur en Sciences Sociales, Consultant en Ingénierie Culturelle, CIIRI-Paris)