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Des milliers de migrants visés par des canons à eau et des gaz lacrymogènes. Les autorités polonaises ont justifié ces charges, accusant certains migrants présents à la frontière d’avoir attaqué des soldats avec des pierres en tentant d’entrer dans le pays. La situation marque un accroissement dans la tension qui marque la crise migratoire.

 Des membres des forces de sécurité polonaises ont fait usage, mardi 16 novembre, de gaz lacrymogènes et ont déployé des canons à eau pour repousser des migrants qui tentaient de traverser la frontière à partir de la Biélorussie, Varsovie les accusant d’avoir « attaqué » les troupes avec des pierres.

Les autorités polonaises ont fait état de neuf blessés dans les rangs des forces de sécurité : un garde-frontière, un soldat, ainsi que sept policiers, dont un grièvement, vraisemblablement victime d’une fracture du crâne dans les heurts. La police polonaise a déclaré que des grenades assourdissantes et des grenades lacrymogènes avaient été lancées sur des policiers. Le ministère de la santé biélorusse a, de son côté, déclaré qu’une vingtaine de migrants avaient reçu une assistance médicale, dont cinq personnes pour des problèmes oculaires et respiratoires au cours des dernières heures.

Dans la matinée, le ministère polonais de la défense a tweeté : « Kuznica : les migrants attaquent nos soldats et officiers avec des pierres et tentent de détruire la clôture pour entrer en Pologne. Nos forces ont utilisé du gaz lacrymogène pour mettre fin à l’agression des migrants. »

Environ 4 000 migrants massés à la frontière

Environ 4 000 migrants campent actuellement, selon les gardes-frontières polonais, dans le froid et des conditions qui se dégradent de jour en jour, le long de la frontière qui sépare la Biélorussie de l’Union européenne (UE). A ce sujet, la Biélorussie a annoncé la mise en place d’un « centre logistique » dans la région de Grodno, afin d’accueillir les migrants pour la nuit.

Mardi, le ministère polonais a également déclaré que les forces biélorusses avaient tenté de détruire les clôtures le long de la frontière commune des deux pays, tandis que le ministère de l’intérieur a publié une vidéo qui montrerait des migrants en train d’essayer de démolir une clôture. L’agence des gardes-frontières a par ailleurs publié sur Twitter une vidéo montrant un canon à eau dirigé de l’autre côté de la frontière, vers un groupe de migrants.

Moscou a dénoncé mardi le recours par la Pologne à des canons à eau et à des gaz lacrymogènes pour repousser des migrants. « Le comportement de la partie polonaise est absolument inacceptable », a estimé devant la presse le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. « Ils violent toutes les normes juridiques », a-t-il ajouté.

Varsovie accusée « d’étouffer tout progrès vers un règlement »

Des militaires polonais utilisent un canon à eau lors d’affrontements entre des migrants et des gardes-frontières polonais, à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, le 16 novembre 2021.

« L’objectif de la partie polonaise est tout à fait clair : elle a besoin d’encore aggraver la situation et d’étouffer tout progrès vers un règlement », a pour sa part lâché le porte-parole de la diplomatie biélorusse, Anatoli Glaz, taxant Varsovie de « provocations » et de « traitement inhumain des démunis ».

L’UE accuse le pouvoir biélorusse d’avoir orchestré la crise actuelle pour se venger de sanctions occidentales décidées en représailles d’une répression politique intérieure sans précédent. « Le régime [du président] Loukachenko instrumentalise de manière inhumaine et éhontée les flux migratoires pour tenter de déstabiliser et de désunir l’Union européenne. C’est intolérable et inacceptable », a dénoncé mardi le premier ministre français, Jean Castex. Bruxelles et Washington ont annoncé lundi leur volonté d’élargir dans les prochains jours les mesures punitives prises contre la Biélorussie.

Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, tout en dénonçant le comportement européen et en niant toute responsabilité dans la crise, a assuré, lundi, travailler au retour des migrants. « L’essentiel, aujourd’hui, est de défendre notre pays, notre peuple et d’éviter les heurts, a-t-il déclaré mardi, selon l’agence de presse étatique Belta. Il ne faut pas que ce problème devienne une confrontation ardente. »

Son entretien, la veille, avec Mme Merkel marquait un succès pour le dirigeant biélorusse, auquel les Occidentaux refusaient de parler depuis sa réélection, décriée, en août 2020. Mardi, il s’est à nouveau entretenu par téléphone avec son homologue russe, a fait savoir le Kremlin. « Un échange sur la crise migratoire à la frontière entre la Biélorussie et des pays de l’UE s’est poursuivi, compte tenu de la conversation de la veille de M. Loukachenko avec la chancelière allemande, Angela Merkel », peut-on lire dans son communiqué.

L’ambassade irakienne à Moscou a de son côté annoncé mardi qu’« environ deux cents » de ses ressortissants allaient être rapatriés de Biélorussie jeudi, notamment des femmes et des enfants. Bagdad a expliqué que de tels vols, sur la base du volontariat, seraient organisés dès cette semaine. Nombre de migrants, qui se sont souvent endettés pour payer le voyage, se disent toutefois déterminés à rester, malgré l’accès limité aux produits de première nécessité. D’après des groupes caritatifs, au moins onze d’entre eux sont morts de part et d’autre de la frontière depuis l’été.

L’état d’urgence, imposé début septembre en Pologne, empêche les journalistes et les défenseurs des droits humains de se rendre dans la zone frontalière. En Biélorussie, les journalistes sont également confrontés à de sévères restrictions, qui réduisent leur capacité à faire des reportages, et seulement quelques-uns sont présents à la frontière.

Source : Le Monde avec AFP / LEONID SHCHEGLOV / AP. Publié le 16 novembre