La pandémie de Covid-19 affecte davantage les femmes scientifiques et les ingénieures que leurs confrères

De premières études montrent que la pandémie affecte de manière disproportionnée les chercheuses, alors que certaines d’entre elles se trouvaient à l’avant-garde face à cette crise.

 Leurs emplois sont plus précaires et leur temps de recherche diminue

Un rapport publié en mai 2020 par l’Académie australienne des sciences (AAS, 2020) a souligné que l’insécurité de l’emploi touchait davantage les femmes que les hommes, puisqu’elles étaient plus nombreuses à être employées en contrats de courte durée.

Myers et al. (2020) ont interrogé 4   535 professeurs et chargés de recherche, principalement aux États-Unis et en Europe. Toutes choses égales par ailleurs, pendant la pandémie de Covid-19, les femmes scientifiques ont fait part d’une baisse de leur temps de recherche supérieure de 5 % à celle de leurs collègues masculins.
Pour les scientifiques avec au moins un enfant âgé de 5 ans au maximum, le temps de recherche a même diminué de 17 %. Les auteurs ont rappelé que ce sont en général les femmes qui s’occupent principalement des jeunes enfants.

Les premières analyses laissent également penser que le taux de publication des femmes a chuté par rapport à celui des hommes pendant la pandémie et que les femmes ont soumis moins de prépublications et lancé moins de projets de recherche que leurs collègues masculins (Viglione, 2020).

Dans les médias de nombreux pays, ce sont avant tout des voix masculines qui se sont fait entendre pour apporter un éclairage scientifique sur la pandémie. Au Royaume-Uni, les plateaux de télévision ou les studios radiophoniques ont accueilli 1 femme pour 2,7 hommes dans les programmes phares d’information sollicitant l’avis d’experts sur la gestion nationale de l’épidémie de Covid-19, d’après les données recueillies dans le cadre de l’Expert Women Project (Projet sur les expertes) de l’Université de Londre.

Une enquête révèle une perturbation généralisée de la recherche

Dans les pays en développement, la fermeture des universités et d’autres établissements, parallèlement à réaffectation des financements dans ceux restés ouverts, a mis un brusque coup d’arrêt aux projets de recherche en cours.

Il s’agit de l’une des conclusions d’une enquête réalisée entre mars et juin 2020 par l’Organisation des femmes scientifiques du monde en développement (OWSD), une unité de programme de l’UNESCO, auprès de ses quelque 5 000 membres.

L’effet négatif de la pandémie sur le travail le plus cité par les membres de l’OWSD était l’impossibilité de se rendre à des conférences ou à d’autres rencontres importantes (67 % des sondées). Il était suivi par l’interruption des expériences ou du travail sur le terrain (56 %), l’impossibilité d’enseigner (31 %) ou d’assister à des cours (22 %) ainsi que les retards de publication (20 %).

Les membres ont également déploré le report ou la suspension du financement de projets en cours et la difficulté à trouver des collaborateurs (17 % chacun), l’impossibilité de soumettre des propositions de financement (16 %) ou des articles (14 %), la perte d’opportunités professionnelles ou de clients (13 %) et l’impossibilité de passer les examens comme prévu (11 %). Un peu moins de 5 % des sondées ont révélé avoir perdu leur emploi directement à cause de la pandémie.

Les femmes participent activement à la lutte contre la pandémie

Les réponses au questionnaire démontrent également que les scientifiques peuvent trouver des solutions même dans les situations les plus difficiles. Citons cette biologiste moléculaire soudanaise qui a chapeauté une initiative pour fabriquer des respirateurs à l’aide d’imprimantes 3D, cette professeure de biochimie sri-lankaise qui a proposé les services de son laboratoire pour les tests de dépistage, ou encore cette professeure d’une université palestinienne qui a organisé un cours dédié à la Covid-19 afin d’enseigner les principes de l’épidémiologie aux étudiants.

De nombreux membres ont déclaré participer à la lutte contre la pandémie. Une petite partie d’entre elles (4 %) ont directement mené des recherches sur le coronavirus en lui-même, par exemple pour trouver un traitement ou un vaccin, et 14 % ont étudié les conséquences du coronavirus sur d’autres maladies ou ses répercussions sur la société et l’économie.

Une scientifique sur quatre (26 %) a réalisé un travail de sensibilisation ou diffusé des informations sur la maladie et 8 % se sont mobilisées pour coordonner une réponse politique à la Covid-19 au niveau institutionnel.

Puisqu’avec la pandémie, les décideurs, les gouvernements et la population en général sont devenus pleinement conscients de l’importance des sciences, certaines sondées ont discerné dans l’adversité la possibilité d’inciter à investir davantage dans la recherche et la santé publique.

Les chercheuses optimisent leurs heures de travail réduites

Bien que 44 % des sondées aient été obligées de réduire leurs heures de travail pendant la pandémie afin d’assumer davantage de responsabilités au sein de leur foyer ou auprès de personnes à charge, d’autres ont fait part de retombées positives. En effet, 54 % des femmes interrogées ont indiqué qu’elles appréciaient les horaires de travail plus flexibles. Quatre sondées sur dix (42 %) ont pu étoffer leurs compétences ou leur expérience professionnelles, 27 % ont réussi à passer plus de temps sur leurs recherches, 26 % ont déclaré que leur employeur avait investi dans de nouvelles technologies de télétravail ou de téléapprentissage, 20 % ont eu l’occasion d’élargir leur engagement public et 19 % ont publié à un rythme plus soutenu.

Plus de la moitié ont déclaré consacrer beaucoup plus de temps que d’habitude aux tâches ménagères (52 %) et à leurs enfants (61 %) pendant la pandémie. En moyenne, les sondées ont indiqué qu’elles s’occupaient de 66 % des tâches parentales pendant la pandémie, contre 51 % habituellement. Elles ont également précisé qu’elles ont assuré 69 % de l’école à la maison.

Cependant, la grande majorité d’entre elles (83 %) ont apprécié de passer davantage de temps avec leur famille et nombre d’entre elles ont fait état de liens resserrés avec leurs enfants (41 %) ou leur partenaire (37 %).

Par : unesco.org/news/pandemie-covid-19/ 19/04/2021