Monsieur le chef du gouvernement,
Par décision de SM le Roi et à Sa demande vous êtes appelé à « injecter du sang neuf » dans les instances gouvernementales en vue de préparer l'avènement d'une nouvelle phase de développement du Maroc. Homme de devoir et de parole vous serez sans aucun doute à la hauteur des attentes de SM le Roi.

 Serez-vous à cette occasion au rendez de l'histoire et à la hauteur des aspirations des marocains de l'étranger ?
Allez-vous prendre la peine d'aller chercher dans leurs rangs les ressources et les compétences escomptées pour constituer votre future équipe gouvernementale ?

Seuls les irresponsables et les gens de mauvaises intentions font mine d'ignorer ce que représentent les marocains de l'étranger pour leur pays, au-delà de leur apport économique. Ces marocains sont, à ne pas en douter, une richesse et un formidable gisement de compétences. Ils ont acquis au contact des sociétés occidentales des réflexes et un savoir-faire scientifique, technique et politique indéniables. Mais ce qui les distingue le plus des autres diasporas c'est leur attachement viscéral à leurs racines culturelles, aux fondamentaux et symboles de leur mère-patrie. Ils n'ont jamais tourné le dos au Maroc ou failli à leur devoir de solidarité à l'égard de leurs familles. Ils répondent toujours présents à l'appel de leur Monarchie chérifienne.
Mais, en dépit du bon sens, lorsqu'il s'agit de revendiquer ou de plaider pour leur accès à une citoyenneté pleine et entière ou lorsque la question de leur représentation institutionnelle est soulevée, les manœuvres dilatoires se mettent en mouvement et les arguments politiques et techniques les plus inconsistants sont invoqués.
Monsieur le chef du gouvernement,

Il y a 14 ans, le discours royal du 06 novembre 2005 a remis toutes les pendules politiques à l'heure de la raison et de la reconnaissance en accordant aux marocains de l'étranger le droit « de choisir leurs députés dans la première Chambre du Parlement ». SM le Roi, qui les voit « à l'avant-garde des acteurs » du progrès national et les considère « comme un atout majeur pour le Maroc nouveau », a bien voulu leur conférer « la possibilité de se faire dûment représenter à la Chambre des Représentants, de façon appropriée, réaliste et rationnelle ».
Que sont donc devenues ces instructions claires et prometteuses ?

Il y a 12 ans, un CCME fut créé (2007) par Dahir avec, entre autres, la ''mission ''de réfléchir sur la meilleure manière de rendre possible la représentation institutionnelle des marocains de l'étranger. Y a t-il du nouveau et de tangible à ce propos ?
Il y a 8 ans, la Constitution de 2011 avait accordé aux marocains de l'étranger des droits politiques et la possibilité de bénéficier d'une représentation et d'une présence dans les Conseils de bonne gouvernance (Titre XII, articles 154 à 171). Huit ans sont passés depuis et rien n'a été décidé de concret et d'acceptable en la matière.
Des projets ont été déposés par des partis politiques, dont le vôtre, auprès d'une Commission parlementaire avec des formules et des idées susceptibles de régler la question de la représentation des MRE. Y a-t-il une seule raison valable pour que ces projets restent congelés ?
En somme, qu'attend donc le gouvernement pour lever ce déni de droit qui frappe les MRE en matière de représentation parlementaire et institutionnelle ?
Monsieur le chef du gouvernement,
Il ne s'agit pas là d'une banale affaire de dysfonctionnement administratif ou de difficulté technique ou juridique. Mais d'une question de reconnaissance de droits civiques et de considération pour services rendus par les MRE à leur pays. Alors que des pays de résidence ont ouvert leurs laboratoires et centres de recherche, leurs mairies, leurs cabinets ministériels et leurs Parlements à des compétences marocaines dont certaines font honneur à leur origine, le gouvernement de leur propre pays reste fermé devant eux et leur accès au Parlement demeure un vœu pieux. Est-ce un simple hasard ?
Monsieur le chef de gouvernement,
Serez-vous celui qui mettra fin à l'exclusion et à l'injustice que subissent les marocains de l'étranger en matière de représentation politique et institutionnelle ?
Pousserez-vous l'audace politique jusqu'à compléter votre future formation par des compétences dignes et confirmées issues des rangs des marocains de l'étranger ?
Certes, les marchands du temple seront aux aguets et vous feront miroiter des services qu'ils n'ont jamais rendus à la communauté des marocains de l'étranger. Mais, nous vous faisons confiance pour les identifier et les éviter.
Nous osons surtout espérer que cette fois sera la bonne et que la raison et l'intérêt général l'emporteront enfin sur les considérations partisanes et politiciennes. Nous misons sur votre sagesse et sur votre sens de la responsabilité et de la justice pour faire de cette occasion de renouvellement des élites et de changement des paradigmes politiques et économiques le moment de lever les obstacles qui s'interposent entres les MRE et leur accès à la responsabilité et à une représentation politique et institutionnelle digne de ce nom.

Il va sans dire que tous les marocains attendent de vous de la rigueur et de l'à-propos dans la composition de votre future formation gouvernementale en vue de répondre utilement à leurs attentes (santé, emploi, justice économique et sociale) légitimes dans le respect des instructions royales clairement exprimées dans le discours du 29 juillet. Il va de soi aussi que les cinq millions de marocains de l'étranger resteront attentifs à ce que vous diriez et décideriez dans les jours qui viennent. Ne les décevez pas car il en va de la réussite de votre action.
Avec tous nos vœux de succès et tout le respect et la considération dus à votre personne et à votre fonction.


Mohammed MRAIZIKA
CAI-ALMOHAGIR et CDI-Forum. Paris le 05-08-2019