fruits des pillages coloniaux, reviennent en Afrique. Les modalités de ces restitutions soulèvent questions et polémiques. Comment restituer les objets spoliés au cours des conquêtes et de la colonisation française sur le continent africain ?
C’est à cette question qu’une loi en préparation à l’Assemblée nationale devrait apporter des réponses en ce qui concerne les biens culturels attribués au Bénin et au Sénégal, colonies françaises d’Afrique de l’Ouest jusqu’en 1960. Lors d’une visite à Ouagadougou en 2017 le président Emmanuel Macron s’était engagé à ces restitutions.
Le dossier était ouvert depuis longtemps, ou plutôt se remplissait de demandes de restitutions auxquelles on ne répondait que rarement jusqu’à ce changement de doctrine présidentielle en la matière. La déclaration de 2017 s’est accompagnée de nombreux débats et de grandes frilosités mais aussi d’un rapport commandé pour établir le nombre des objets concernés, conservés par les musées français, histoire de comprendre de quoi il était question. Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, les deux experts missionnés pour établir cette liste et formuler des recommandations ont établi que la présence de ces objets était loin d’être anecdotique : 90 000 œuvres d’art et objets d’origine africaine sont exposés ou entreposés dans des musées français et pourraient faire l’objet de réclamations. Un chiffre astronomique et un vent de panique qui a soufflé dans les musées nationaux mais aussi dans les grands établissements étrangers craignant un antécédent français qui pourraient les priver d’une partie de leur collection et de leur attractivité. En juillet la France a officialisé la restitution de ces objets satisfaisant à une demande historique comme le soulignait alors Marie-Cécile Zinsou, historienne de l’art franco-béninoise.
Si la question éminemment politique des restitutions reste tendue malgré quelques efforts, certaines solutions pérennes ou transitoires s’inventent, qui choisissent de faire circuler les objets au lieu de les aliéner à un lieu ou une institution donnée.
Marion Bertin, dans la revue Terrain, fait le récit d’une de ces expériences, menée entre 1990 et 2014 entre la France et la Nouvelle Calédonie. Dans l’esprit des accords de Nouméa signés en 1998 qui inscrivait un « destin commun » entre les communautés, on ne décida pas d’un retour définitif des œuvres kanak pour lui préférer une circulation facilitée qui permettait à la fois au peuple kanak de profiter de son patrimoine dispersé et de maintenir une représentation des objets kanak à travers le monde. Un Inventaire du patrimoine kanak dispersé (IPKD) avait été établi dès les années 1970 par l’ethnologue Roger Boulay. La responsabilité et le bénéfice de ces « objets ambassadeurs » restaient partagés avec la France et des expositions fréquentes furent organisées pour valoriser ces collections. L’identité kanak s’en trouvait valorisée selon les vœux des autorités coutumières et les collections des musées métropolitains se trouvaient impliquées directement dans une géopolitique mondiale postcoloniale. Une expérience fructueuse mais fragile qui a montré ses limites lorsqu’elle a pris fin avec l’arrêt de son financement en 2014.
Les débats sur les restitutions, leurs méthodes et leur application restent toujours d’actualité.
Source : www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-lhistoire/ Juin 2021