A la suite de la promulgation de la loi du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, 26 œuvres quittent le musée pour retourner dans leur pays d’origine. Cette FAQ a pour objectif de répondre aux questions du public sur les restitutions du patrimoine culturel africain conservé au musée du quai Branly - Jacques Chirac.

 Qu’est-ce que restituer ?

Bien que ce terme puisse avoir plusieurs sens, restituer signifie dans ce contexte rendre à son propriétaire d’origine un objet acquis de manière illicite : volé, pillé ou saisi.

Qui peut restituer des œuvres d’art conservées dans un musée ?

L’État français, propriétaire des collections nationales, en accord avec les pays d’origine qui en ont fait la demande officielle, peut donner droit à une restitution d’œuvre d’art. Un projet de loi, permettant de sortir les œuvres du domaine public et d’en transférer la propriété à l’État demandeur, fondé sur les recherches historiques préalables de provenance et d’acquisition, est alors déposé au Parlement par le gouvernement. Une loi autorisant une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections nationales doit en effet être votée pour chaque transfert de propriété d’une œuvre à l’État demandeur.

À qui la France peut-elle restituer une œuvre ?

L’État peut restituer une œuvre d’art au pays qui en fait la demande si les recherches de provenance démontrent que l’œuvre a été volée, pillée ou saisie.

Comment détermine-t-on si une œuvre a une origine illicite ?

Des recherches rigoureuses et approfondies sont menées sur chacun des objets pour en déterminer la provenance et l’histoire : l’origine de l’œuvre, le mode et le contexte d’acquisition. Elles exigent le dépouillement systématique de nombreux fonds d’archives et l’analyse scientifique des objets. Ces recherches sont réalisées par des chercheurs et des professionnels des musées des pays d’origine et de France de façon croisée. Les résultats de ces recherches permettent de déterminer si l’œuvre a été acquise de manière licite ou illicite, voire dans des conditions restant incertaines quand les recherches ne parviennent pas à aboutir à un résultat précis.

La France va restituer 26 œuvres à la République du Bénin : pourquoi ces pièces en particulier et que deviendront-elles ?

Les 26 œuvres restituées sont des prises de guerre du général Dodds lors de la conquête coloniale française du royaume du Danhomè (Bénin actuel). Les œuvres ont été pillées lors de la prise d’Abomey en 1892, dans les palais royaux et notamment celui du roi Béhanzin qui régnait alors. Ces pièces ont une valeur historique, symbolique et protectrice très importante pour la population béninoise. L’exposition des œuvres à Cotonou en 2006-2007 avait fait naître la volonté de leur retour définitif au Bénin. Les autorités béninoises ont adressé une demande officielle à l’État français le 26 août 2016. L’étude historique et scientifique de cet ensemble, parfois désigné comme faisant partie du « Trésor de Béhanzin », démontre de manière incontestable que ces pièces sont issues de cette prise de guerre. Sur proposition du musée, le Président de la République a annoncé leur restitution en novembre 2018, un an après son discours à Ouagadougou, dans lequel il annonçait son souhait de voir des restitutions s’opérer pour permettre à la jeunesse africaine de pouvoir y avoir accès sur son propre continent.

La loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal acte le transfert de propriété à la République béninoise des 26 œuvres avant la fin de l’année 2021. Ces dernières rejoindront le musée d’histoire de Ouidah, puis seront exposées à Abomey, au musée de l’épopée des amazones et des rois du Danhomè lorsque sa construction sera achevée.

Toutes les œuvres africaines conservées au musée du quai Branly - Jacques Chirac vont-elles être restituées ?

La majorité des 70 000 objets d’Afrique subsaharienne conservés au musée du quai Branly - Jacques Chirac a été acquise de manière licite par achats ou dons. Il ne s’agit pas de restituer l’ensemble de la collection car les objets ne sont pas tous issus de pillages ou d’appropriations non consenties/par la force durant la période coloniale. Cependant, un examen attentif et des recherches sur le contexte de l’acquisition de ces objets est nécessaire dans les cas où un doute existe. C’est pourquoi un vaste « chantier des provenances » a été engagé par le musée pour approfondir les recherches et tenter de retracer l’itinéraire des œuvres avec les équipes scientifiques des musées des pays d’origine des objets conservés.

Quels pays ont aujourd’hui fait des demandes officielles de restitution d’œuvres conservées au musée ?

Outre le Bénin et le Sénégal, cinq autres pays africains (Madagascar, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Mali et Tchad) ont formulé des demandes officielles de restitution. Chaque demande est étudiée au cas par cas par les autorités françaises compétentes, en lien avec les acteurs culturels et scientifiques concernés, et en concertation avec l’État demandeur. Des programmes de coopération culturelle ambitieux sont construits avec chacun de ces pays et le musée poursuit et développe des partenariats scientifiques et culturels avec les musées africains, les communautés autochtones et les populations locales.

D’autres pays européens procèdent-ils à des restitutions d’œuvres ?

Plusieurs pays européens ont défini une ligne politique visant à restituer une partie du patrimoine pillé pendant la période coloniale.

L’Allemagne a engagé des programmes de recherche sur la provenance des collections : le ministère de la culture (BKM) a créé une structure spécifique pour financer et entreprendre les recherches de provenance sur le patrimoine culturel spolié (Deutsches Zentrum Kulturgutverluste-DZK). L’association des musées allemands a édité en octobre 2018 un guide des bonnes pratiques pour le « traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux ». L’Allemagne a annoncé en 2019 la restitution de quelques objets, dont des restes humains, à la Namibie et prévoit de restituer des bronzes de l’ancien royaume du Bénin au Nigéria, à partir de 2022.

 Les Pays-Bas ont élaboré un cadre politique pour le traitement des collections coloniales, présenté à la Chambre des Représentants en janvier 2021. Ce cadre met en avant la nécessité d’une politique de retour élaborée conjointement avec les pays d’origine. Le projet Pressing Matter: Ownership, Value and the Question of Colonial Heritage in Museums, coordonné par le Musée national des cultures du monde (NMVW) et la Vrije Universiteit d’Amsterdam (VU) permettra de faire aboutir les recherches pour déterminer la provenance des 450 000 objets d’art que le NMVW conserve.

La Belgique a annoncé son intention de restituer à la République démocratique du Congo (RDC) de nombreux objets, acquis par la force sous le règne de Léopold II entre 1885 et 1908. L’AfricaMuseum de Tervuren a publié sa politique de restitution des œuvres soustraites pendant la période coloniale.

Projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, Rapport n° 91 (2020-2021) de Mme Catherine MORIN-DESAILLY, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 28 octobre 2020

Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n°3221), Yannick Kerlogot, député de l’Assemblée nationale.

Discours du Président Emmanuel Macron, le 28 novembre 2017, à l’université de Ouagadougou

 France : Page institutionnelle Élysée

Sarr Felwine, Savoy Bénédicte, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain - Vers une nouvelle éthique relationnelle, remis à la Présidence de la République le 29 novembre 2018, 232 p.

Loi n° 2002-323 du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud

Loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)

 Allemagne, Deutsches Zentrum Kulturgutverluste, Centre allemand pour la disparition des biens culturels

Allemagne, Guide pour le traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux, Association allemande des musées octobre 2018

Pays-Bas, Rapport du Comité consultatif sur le cadre politique des Pays-Bas pour le traitement des collections coloniales, Colonial Collections and a Recognition of Injustice, publié par le Conseil de la Culture (Raad voor Cultuur) en janvier 2021

Pays-Bas, projet Pressing Matter

Belgique, AfricaMuseum, Tervuren, politique de restitution

Belgique, Principes éthiques de restitution, rapport d’un groupe d’experts, édité par la FARO, Flemish association for cultural heritage

Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Restitution de 26 œuvres à la République du Bénin

Pages institutionnelles ministère de la culture et de la communication

Journée d’étude organisée par la Direction Générale des Patrimoines en 2020

Séminaire de l’INHA - Parcours d’objets, Études de provenance des collections d’art « extra-occidental

Publié : le 21 octobre 2021