L’idée d’un Centre Culturel marocain à Paris est une douce arlésienne qui a longtemps hanté la chancellerie de la rue le Tasse et titillé les Ministres qui se sont reliés à la Culture ou aux affaires des Marocains de l’Etranger. Son évocation était même devenue un motif de gêne pour notre diplomatie. Cette idée tant rêvée, espérée et attendue, SM. Le Roi Mohammed VI l’a rendue effective et réelle, ce 17 février. On ne peut que lui être reconnaissant avec révérence.
Il était plus qu’impensable, intolérable, que le Royaume marocain, ce pays plus que millénaire, singulier, carrefour de rencontres, de civilisations, de langues et de religions, ne soit pas doté, à Paris même, d’un lieu dédié, où sa culture, son génie artistique et son histoire soient montrés et promus de la plus belle manière qui soit. Certes, le Louvre l’a fait et l’IMA l’a réussi, mais le Maroc ne pouvait continuer à la sous-traiter, ad vitam aeternam.
A dire vrai, l’idée d’un CCM parisien réussissait toujours à s’éclipser, faute d’une ambition nationale et d’une prise de conscience forte d’un enjeu culturel considérable.
Aujourd’hui, la joie est décuplée. Par la volonté du Souverain, cette idée est enfin enlacée et fixée. Elle a désormais un nom (CCM), elle a une adresse : 115 boulevard Saint-Michel (Paris 5°). Et lorsque qu’elle verra le jour, ornée des plus belles décorations que le génie artistique marocain pourra lui offrir, elle sera belle et fera honneur au pays.
Mais, chat échaudé craint l’eau chaude, dit-on de ce côté-ci.
Cette belle initiative doit être protégée comme aurait protégé l’avare de Molière une pépite rare et précieuse. Elle doit être conduite avec intelligence et hauteur de vue. Côtoyer l’esprit du quartier latin, s’installer dans le voisinage des jardins de Luxembourg et du Sénat, du Panthéon et de la Sorbonne, de la Bibliothèque Ste Geneviève et de la rue d’Ulm, n’est pas une mince entreprise. C’est un privilège rare.
La conception et l’animation de ce futur Centre, ne doivent donc pas être laissées au hasard. Mais, confiées avec un soin tout particulier à des mains sûres et surtout patriotes et fidèles à cette devise que chérit le peuple marocain et qui fait partie de l’ADN national.
Plus qu’ailleurs et plus que jamais, le Maroc doit mettre au service de ce projet ses compétences nationales les plus affirmées et tout ce qu’il a de meilleur. L’enjeu est considérable. Ce Centre ne peut que donner à la « diplomatie culturelle » marocaine un visage digne et un élan salutaire, il ne peut qu’assurer au pays un rayonnement culturel incomparable et donner aux marocains de Paris un surcroît de fierté.
Soyons tous vigilants contre ce Tahâfùt que le projet a déjà suscité, et suscitera encore plus demain, de la part de « porteurs d’affaires » ou d’intermédiaires culturels, médiatisés outre mesure, qui n’y voient que profits et n’y imaginent qu’avantages. Alors que nous le voulons le miroir qui renvoie au monde de la culture et de l’Art l’image fidèle d’un patrimoine culturel marocain riche, divers, héritage d’une civilisation millénaire.
Mohammed MRAIZIKA (Chercheur en Sciences Sociales, Consultant en Ingénierie Culturelle)