Du sang et des larmes ont coulé à Paris ce Vendredi 13. C’est l’horreur. Des lieux de vie, de rencontre, de culture et de convivialité ont été transformés en scènes de guerres indescriptibles. Les auteurs de cette ignominie, cette atteinte à la vie et à la liberté, comptaient ainsi atteindre la France, semer la terreur au cœur de ses quartiers, effaroucher sa jeunesse et diviser sa société. Mais il n’en est rien.
La France « se relève toujours »
La vie a repris ses droits. Sur les espaces ravagés par la terreur fleurissent des messages d’amour et brillent des milliers de bougies. La Tour Eiffel scintille aux couleurs du drapeau français. Des lieux de spectacle déroulent leur programme dans un esprit de solidarité et de résistance. Au stade de Wembley, la Marseillaise est chantée en chœur. « United We Stand » proclame une banderole, « Pray For Paris » (Priez pour Paris) annonce une autre.
La France a été durement frappée le Vendredi 13. Mais, la France « se relève toujours » clame son président devant les parlementaires réunis en congrès à Versailles. Cette capacité de résister et de rester debout, la France l’a prouvée contre la barbarie nazie, et ce n’est pas une idéologie extrémiste qui en changerait quelque chose, dit-il en substance. Et ce n’est pas non plus une idéologie qui hait la culture et craint l’histoire, qui a pour seule matrice la haine de la différence, le mépris de la vie humaine et le dévoiement de la foi qui salirait, tant soit peu, une religion de miséricorde et de paix.
Au mois de janvier 2015, le siège d’un journal satirique a été frappé et des journalistes ont laissé leur vie. Ce jour-là, c’est une liberté fondamentale que les terroristes ont voulu taire. Des apprentis sourciers, des extrémistes à leur manière, ont bien tenté de faire de ce drame humain et de cette tuerie (au journal et à l’Hyper Cacher), une affaire de religion, de communauté et d’identité. Ce que le pays a récolté à cause de leur irresponsabilité, c’est une montée effrayante d’actes racistes et islamophobes.
Ce Vendredi 13, la barbarie terroriste s’est attaquée d’une manière aveugle à des espaces de culture et de convivialité où se rassemble une jeunesse diverse, pacifique, qui n’a cure de la nationalité, de l’identité ou de la religion de ceux qui la composent. La folie meurtrière qui s’est abattue sur ces espaces prouve à quel point l’idéologie obscurantiste qui l’anime méprise la jeunesse et la culture, insulte la foi et l’histoire.
Ce que Daech incarne
Ce que Daech incarne, véritablement, c’est une idéologie mortifère qui envoie des jeunes tuer d’autres jeunes désarmés et pacifiques. Une idéologie qui fait de la culture une cible et de la civilisation humaine un ennemi. A Palmyre des sites archéologiques préislamiques ont été détruit avec hargne. Des objets culturels uniques du patrimoine préislamique d’Irak et de Syrie, (Musée de Mossoul, site antique de Ninive, capitale assyrienne de Nimrod) ont été méthodiquement saccagés ou pillés.En Tunisie, le musée national du Bardo a subi, le 18 mars 2015, le même outrage et la même folie criminelle qui laisse toujours derrière elle (Mali, Niger, Lybie) des morts, de la désolation et des déserts culturels. Comble de l’horreur un éminent archéologue, Khaled Al-Assaad, fut décapité en public.
Ces destructions et ces outrages faits à la culture, à la religion et à la civilisation humaine, montrent, en effet, « à quel point les extrémistes sont terrifiés par l’histoire et la culture, car la connaissance du passé décrédibilise et délégitime tous les prétextes utilisés pour justifier ces crimes, et les font apparaitre pour ce qu’ils sont : une pure expression de haine et d’ignorance » (déclaration d’Irina Bokova Directrice générale de l’UNESCO).
Certes, les extrémistes de Daech « ont peur de l'Histoire » (Irina Bokova, Unesco). Mais toute leur manœuvre consiste à la façonner à leur manière selon une vision apocalyptique qui ne laisse aucune place à l’humain, à la raison et au libre arbitre.
Bombarder les Centres d’entrainement et de commandement de Daech en Syrie, détruire les puits de pétrole sous son contrôle est, sans doute, une option stratégique et militaire qui ne manque pas d’à-propos. C’est par cette voie que peut s’opérer utilement l’affaiblissement de la capacité d’action de ces terroristes et la raréfaction de leurs sources de financement (près de 2,8 milliards d’euros en 2014). Mais, la culture qu’ils haïssent et combattent avec tant d’acharnement constitue aussi une formidable source (de 15 à 20%) de devises dont ils profitent grandement. Des pièces uniques du patrimoine Syrien et Irakien, d’une valeur historique inestimable, sont vendus à l’étranger grâce à des intermédiaires occidentaux véreux.
Pas d’impunité pour les criminels. Il ne doit donc pas y avoir d’impunité pour les criminels qui ont semé la terreur à Paris, ni pour ces trafiquants qui alimentent leurs caisses en devises et qui prospèrent en spoliant le patrimoine culturel local, alors que les peuples de la région se trouvent aujourd’hui en nombre sur les routes de l’exil et dans les camps de réfugiés. Et s’il ne doit pas y avoir aujourd’hui de failles dans les systèmes de sécurisation et de défense des populations civiles, il ne doit pas y avoir non plus la moindre hésitation dans la lutte contre le trafic des richesses culturelles irakiennes et syriennes.
Ce trafic, que le président Jacques Chirac qualifiait en son temps (avril 2003) de « crime contre l’humanité » atteint, depuis l’invasion de l’Irak par l’armée américaine, une ampleur sidérante. Il en va de même du phénomène d’endoctrinement et de manipulation des esprits qui emprunte les circuits de communication et les réseaux les plus sophistiqués pour atteindre une frange de la jeunesse en quête d’identité, en désirance culturelle ou en déperdition économique et sociale.
Pour faire face à cette menace, pour éradiquer le virus Daech et terrasser cette nébuleuse terroriste qui fait du nettoyage culturel et ethnique une arme de guerre, qui méprise la vie humaine et instrumentalise la religion à outrance à des fins criminelles, aucun effort ne doit être épargné et aucun terrain ne doit-être négligé, en particulier celui de l’éducation et de la culture. Il faut rester debout et solidaire, vigilant et résolu. Les criminels ont semé ce Vendredi 13 la désolation et la mort à Paris et à Saint-Denis. Mais, ce qu’ils ont réellement suscité c’est un élan de solidarité et de fraternité, ce qu’ils vont récolter c’est une puissante coalition militaire, qui fait de leur destruction définitive son ultime but. Ainsi soit-il.
Mohammed MRAIZIKA (Docteur en Sciences Sociales, Consultant en Ingénierie culturelle-Paris)