L’épreuve à laquelle devait faire face la diplomatie marocaine paraissait à la veille du 28e sommet des chefs d'État de l’Union Africaine (UA) délicate tant l’hostilité était grande et les manœuvres dilatoires insolentes. Mais, la raison l’a emporté et le pragmatisme a triomphé, n’en déplaise aux maîtres conspirateurs de l’Est et du Sud. Désormais le Maroc est chez lui, avec honneur et dans la grâce.
La grâce : « Il est beau le jour où l'on rentre chez soi ! »
Le 28e sommet des chefs d'État de l’Union Africaine (UA) qui s’est tenu les 30 et 31 janvier à Addis-Abeba, en Éthiopie, a conclu au retour du Maroc au sein de l’instance africaine. Cette décision de sagesse clôt de fait un chapitre de 33 ans de tension et de tergiversations et, en même temps, ouvre à l’Afrique des perspectives ambitieuses. Il va sans dire qu’avec cette décision l’Afrique a posé les premières fondations d’un système de dialogue interne plus ouvert et d’une gouvernance de ses affaires plus responsable qui tourne le dos aux vieilles recettes politiques qui l’ont maintenue dans la désunion et en marge de l’évolution du monde. Cette même décision lui offre une trajectoire qui lui permettra, si elle est bien maîtrisée, de trouver un rang honorable dans le concert des Nations avancées en majorité structurées en blocs politiques influents et en communautés économiques prospères.
Le nouveau président de l’UA, le Guinéen Alpha Condé, a parfaitement explicité dans son discours du 30 janvier, l’importance de ce moment historique : « J’éprouve un sentiment de réconfort à la fin de cette 28e session, qui marque un important jalon pour faire de l’Union africaine un organe important. ». Le Roi Mohammed VI a parlé à cette occasion aux africains avec son cœur et a fait montre de pragmatisme : « Il est beau, le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé ! L’Afrique est Mon Continent, et Ma maison » affirme le Souverain avant de rappeler que ce retour à la Maison commune signifie pour le Maroc de « bâtir concrètement un avenir solidaire et sûr » et que « son action concourra (…) à fédérer et à aller de l’avant ».
C’est cette conscience d’un devoir sacré vis-à-vis de l’Afrique et ses peuples qui constitue le signe distinctif de la politique marocaine. Les troupes marocaines sont déployées sur le Continent pour assurer une stabilité régionale mise à mal par une poussée terroriste implacable. Les enfants de cette Afrique à la merci des aléas climatiques, meurtrie par les guerres civiles, trouvent au Maroc un havre de paix et une main tendue. Les opérations de régularisation administrative ont profité à plus de vingt-cinq mille d’entre eux. Le souci d’assurer la sécurité spirituelle des africains a amené le Maroc à mettre en place à Rabat un institut de formation unique en son genre dédié à la formation des cadres religieux africains.
Le discours royal d’Addis-Abeba rappelle à tous une réalité et des réalisations tangibles et annonce au-delà de cette circonstance un bon présage pour l’avenir. Il propose des perspectives et plaide pour des solidarités véritables afin qu’émerge une conscience collective qui place l’intérêt de l’Afrique et de ses fils au sommet de ses priorités.
C’est un fait. La conscience d’un destin africain commun et collectif n’est pas la chose la mieux partagée par les Etats du Continent. Certains d’entre eux déploient même sans compter et au détriment de leur propre peuple, des efforts diplomatiques et des sommes considérables rien que pour asseoir un hypothétique leadership sur la région. Les alliances et les ententes qu’ils suscitent n’ont de but que de semer la désunion et le chao.
La nécessaire vigilance
Le 28e sommet de l’UA à Addis-Abeba, par son vote incontestable au profit du retour du Maroc, a brisé l’élan d’un « axe du mal » qui a fait de l’hostilité au Maroc sa principale raison d’être diplomatique et politique. Les chefs d’Etats africains présents à ce sommet n’ont pas cédé aux chants de sirènes qu’ils propagent pour contrer le retour du Maroc. Ils ont plutôt saisi l’opportunité pour donner à l’UA un terreau favorable afin de lui permettre de grandir et de prospérer indépendamment des stratégies à courte vue que ces pays comptaient perpétuer.
Le Maroc a tous les atouts et toute la latitude pour jouer dans la perspective et la dynamique nouvelles qui se sont révélées lors de ce 28e sommet, un rôle moteur grâce à son expertise, à sa conception des rapports Sud-Sud et sa vision clairvoyante des relations Nord-Sud dans un monde mondialisé à outrance.
Les visites africaines successives du Souverain marocain ont montré ce que le Maroc peut apporter au Continent en termes de développement économique et d’influence stratégique. Ces visites ont aussi prouvé une chose précieuse que traduit l’intérêt sincère que porte le Maroc au sort de cette Afrique dans laquelle il puise ses racines les plus profondes. L’accueil et les scènes de liesse et de joie qui ont marqué et accompagné les tournées africaines du Souverain marocain ont révélé toute la profondeur des relations culturelles et cultuelles du pays avec le Continent.
Le retour du Maroc au sein de l’UA est donc plus qu’une victoire marocaine exclusive. Il est l’affirmation d’une volonté qui n’a jamais failli en dépit de toutes les contrariétés. Le Maroc s’est éloigné en 1984, à l’initiative du Feu Hassan II, du tumulte de l’OUA pour prendre ses distances avec une pensée stratégique mortifère. Il a pu ainsi se concentrer sur son essor économique et son développement humain cités aujourd’hui en exemple. L’histoire lui en a donné raison. Son retour au sein de l’UA n’est ni une récompense ni une fin en soi. C’est un atout pour assurer à tous une sécurité alimentaire véritable, instaurer la paix et la stabilité dans la région, former et accompagner les africains afin de les mettre à l’abri des humiliations qui les attendent sur la Rive Nord de la Méditerranée. Plus de 10 000 d’entre eux sont passés de vie à trépas en 2016, selon le HCR.
La sagesse voudrait que le Royaume, après ce retour triomphal, tourne un chapitre de l’histoire des relations intra-africaines imposé par des Etats irresponsables qui ont failli à leur devoir. En accordant aide financière et assistance diplomatique à un groupuscule dont les atteintes aux Droits Humains sont dénoncés par les instances internationales les plus écoutées, ils ont bradé l’avenir de toute une région. C’est inadmissible.
Le Maroc a montré à l’occasion de la COP22 qu’il était capable de relever les grands défis. La clairvoyance du Souverain marocain et l’insistance de la diplomatie marocaine ont prouvé lors du 28e sommet de l’UA, leur capacité à identifier et à contrer les complots les plus insensés contre le pays. Mais le Maroc ne doit pas baisser la garde, car ceux qui font aujourd’hui profil bas parce qu’ils ont été disgraciés par leurs pairs, n’ont pas dit leur dernier mot. Leurs manœuvres de dénigrement menées contre les intérêts supérieurs du pays prendront d’autres formes et se manifesteront de nouveau dans les instances internationales comme au sein de la société civile occidentale par la voie d’associations inféodées et téléguidées.
Tourner la page de 33 ans d’absence ne doit pas signifier pour le Maroc, baisser la garde. Il faut bien évidemment se réjouir de ce retour tant attendu à la Maison africaine, mais il faut faire preuve d’une vigilance de tous les instants. L’absence de vigilance, en particulier en matière de relations entre Etats, n'est jamais bonne conseillère.
Dr Mohammed MRAIZIKA
Chercheur en Sciences Sociales
Consultant en Ingénierie Culturelle,
CIIRI-Paris)